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02/06/2013

FIGURES EUROPEISTES: GERARD DUSSOUY (2/2)

gérard dussouy,thomas ferrier,européisme identitaire,nation européenne[IDEOLOGIE EUROPEENNE]

LBTF: Les Etats « nationaux » ne sont-ils pas devenus aujourd’hui les geôliers des peuples ?

GD: La formule est raide. Mais, elle est juste dans la mesure où les Etats « nationaux » sont impuissants, chacun séparément, face aux forces du marché planétaire et qu’ils sont devenus les « relais » des instances mondiales (OMC, FMI), dont ils s’efforcent de faire appliquer les consignes. Ils sont incapables de promouvoir une politique alternative.

LBTF: Le souverainisme est à la mode. Qu’est-ce qui explique son (relatif) succès ? Le fétichisme « national » est-il une solution à la crise ?

GD: Face à la crise et aux multiples difficultés qui s’accumulent, et en raison de l’incapacité de l’UE de remplir sa mission (assurer la prospérité des Européens), le reflexe naturel de tous ceux qui sont en manque d’imagination politique est le retour en arrière.

La peur de l’avenir amène les hommes à se raccrocher à ce qu’ils connaissent, c’est à dire à ce qui, dans un contexte dépassé, a contribué à leur sécurité, plutôt qu’à innover.

LBTF: L’euroscepticisme n’est-il pas à terme amené à abandonner toute lutte contre l’immigration non-européenne au profit d’une vision néocoloniale suicidaire ? Le fait que le FN mette la question migratoire en sourdine au profit d’une attaque permanente contre toute idée de construction européenne n’en est-il pas le symbole ?

GD: On a du mal à suivre la politique extérieure de la France aujourd’hui. Faute de vouloir s’impliquer dans la construction européenne (refus systématique de la droite et de la gauche des plans conduisant à la supranationalité), mais incapable, en même temps, d’orienter la politique de l’UE, elle paraît, en effet, se retourner vers son champ de prédilection, l’Afrique. Le seul continent où elle se donne l’impression d’être encore une puissance. Mais pourra-t-elle, seulement, en soutenir le prix ?

Quant au parti extrémiste que vous citez, sa xénophobie anti-européenne et, surtout, sa germanophobie sont telles, qu’il n’est pas surprenant qu’il tienne désormais l’immigration extra-européenne pour un moindre mal. L’irrationnel conduit aux comportements politiques les plus contradictoires et les plus contreproductifs qui soient.

LBTF: Qu’est-ce qui fait selon vous que l’européisme authentique, que vous comme moi défendons, n’arrive pas à se faire entendre ?

GD: Comme je l’ai indiqué plus avant, il part d’une analyse réaliste et rationnelle de la réalité qui met en cause les préjugés nationaux, d’un côté, et les idéologies universalistes (socialistes comme libérales), de l’autre. Il a le plus grand mal à se faire entendre, car il est pris entre deux idéologies dominantes, l’une nationaliste, l’autre mondialiste. Il lui faut faire admettre, par ceux qui veulent bien écouter ses arguments, que le cycle des Etats-nation européens est achevé, d’une part, et que, d’autre part, les théories sur l’unité du genre humain et sur l’émergence d’une société mondiale (qu’elle soit socialiste ou libérale) sont des apories, sources de tous les maux dont nous souffrons et dangereuses pour notre survie.

Cependant, le nouveau contexte historique et le travail d’explication peuvent faire évoluer les choses, parce que les croyances sont contingentes. Les normes et les valeurs émergent et évoluent en fonction d’un processus systémique à la fois écologique (les relations entre les acteurs et leur environnement matériel), social (les relations entre les acteurs) et interne (les caractéristiques propres aux acteurs).

C’est pourquoi, à la lumière des désordres sociaux et sociétaux qui s’installent, et qui ne feront qu’empirer, la possibilité pour les européistes de contribuer à une révolution cognitive, c’est à dire à changer le paradigme ou la vision du monde à partir duquel se structure la société européenne, est réelle.

LBTF: Le parti américain est au pouvoir en Europe, tant au niveau des capitales nationales que de Bruxelles et de Strasbourg. Peut-on espérer triompher de lui, en s’appuyant par exemple sur la Russie ?

GD: Je ne sais pas si l’on peut aborder la question en ces termes. Parce que la problématique européenne se pose moins en termes de rapports internationaux, et de rivalité américano-russe en Europe, qu’en termes de blocs socio-idéologiques, de catégories de population opposées, de conflits potentiels entre classes dirigeantes et peuples, face à des choix de société et de civilisation. Néanmoins, vous avez raison de parler d’un parti américain dans le sens où les gouvernants européens sont incapables de se déterminer sans l ‘aval de Washington, et à plus forte raison de prendre des décisions qui pourraient contrarier les Etats-Unis.

Mais, dans le contexte très chaotique qui va s’installer dans un futur proche, au moins dans une partie du continent, il n’est pas absurde de penser que la construction de l’Europe pourrait se faire, ou plutôt reprendre, non plus d’Ouest en Est, c’est à dire à l’initiative des Occidentaux, dont la conception universaliste du monde aura été rejetée par les peuples en perdition, mais d’Est en Ouest, à l’initiative, ou avec le concours, de la Russie, l’une des dernières puissances européennes en état de marche (avec peut-être la Pologne, l’Allemagne, et certains Etats alpins). Et cela, parce que la Russie aura compris que son intérêt est de s’incruster dans l’Europe, avec laquelle elle partage son avenir, face au reste du monde.

LBTF: Que pensez-vous du principe de « nationalité européenne », reposant sur des critères de convergence et sur le ius sanguinis, qui permettrait ainsi de refonder un principe de citoyenneté qui a été dévoyé par les (anciens) Etats ?

GD: Dans le choix à faire entre le jus soli et le jus sanguinis, qui sont les deux critères à partir desquels la nationalité est acquise selon les différents pays européens, il est clair que le second est le seul à devoir être pris en considération, parce que le seul qui soit pertinent, dans l’attribution de la nationalité européenne.

En effet, et d’une façon générale, on est en droit d’écrire que le jus soli n’a plus de sens dans le monde d’aujourd’hui caractérisé par la mobilité extrême des individus, et rendue si aisée par les moyens de communication. Autant, dans le passé, compte tenu des difficultés à surmonter, on pouvait tenir l’installation d’une personne dans un pays pour un acte de foi dans celui-ci, autant maintenant, le nomadisme des hommes enlève toute valeur morale à ce même comportement, qui ne doit plus rien à la conviction.

Dans un espace où les hommes n’ont plus de repères, où ils peuvent changer de lieu de résidence sans rendre aucun compte, sans remplir la moindre obligation, il est évident que le jus sanguinis est le dernier refuge de la citoyenneté, européenne en l’occurrence.

LBTF: Dans votre ouvrage, vous évoquez la nécessité de disposer d’une langue unitaire, qui ne soit pas l’anglais. Vous proposez le latin. Nous prônons en revanche l’europaiōm ou « européen », qui n’est autre qu’une version modernisée du proto-indo-européen, langue-mère des Européens reconstituée par grammairiens et linguistes depuis deux siècles. Qu’en pensez-vous ?

GD: Au train où vont les choses, l’Europe aura bientôt une langue commune et qui sera l’anglais. Mais un anglais qui n’est plus une langue européenne, et dont on peut se demander s’il appartient encore aux Anglais. Ce qui n’est pas acceptable.

La question est donc de savoir quelle langue commune adopter pour surmonter l’énorme problème de communication que pose le plurilinguisme européen, au demeurant tout à fait légitime et à conserver. C’est pourquoi, j’ai proposé d’en revenir au latin, langue de la civilisation européenne par excellence, et qui fut longtemps pratiquée par toutes les populations éduquées d’Europe, qu’elles fussent d’origine latine, germanique, bretonne ou autre.

Je ne saurais me prononcer sur votre proposition n’étant ni linguiste, ni connaisseur de cette proto langue européenne modernisée. Cependant, le débat est ouvert et on ne peut l’évacuer. A partir de là, elle est à étudier.

LBTF: Si on définit la nation comme le regroupement de ceux de même ascendance, peut-on alors parler de « nation européenne » ? Ne peut-on pas considérer l’Europe comme une nation sans Etat, comme l’Italie d’avant Cavour et l’Allemagne d’avant Bismarck ? Reste alors à la doter de cet Etat, qui ne peut qu’être proche de celui dont vous êtes promoteur.

GD: La nation est une notion moins facile à définir qu’il n’y paraît, et qui peut prêter à bien des confusions. Chez les Romains, la natio a avant tout un sens ethnique. Sous l’Ancien Régime, en France, le terme conserve cette connotation et est assez proche du mot « patrie » (on parle de nation picarde ou de nation bourguignonne). La nation peut donc exister sans Etat. Et on a cet exemple de la nation polonaise qui a survécu à la disparition de son Etat (au 18° siècle), jusqu’à son rétablissement en 1919. Quant aux nations italienne et allemande, elles existaient culturellement de longue date. Mais, il aura fallu le Piémont et la Prusse pour qu’elles soient, chacune respectivement, rassemblées dans une même communauté politique, c’est à dire sous la forme d’un même populus, pour parler comme les Latins. La nation, comme on la connaît aujourd’hui, est donc un fait de puissance.

gérard dussouy,thomas ferrier,européisme identitaire,nation européenneDès lors, par rapport à votre interrogation, on peut considérer qu’il existe bien une « nation européenne » potentielle, en raison des ascendances communes et de l’unité civilisationnelle. Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, les différenciations internes l’ont largement emporté. Principalement à cause de l’absence de péril extérieur (les épisodes tels les Champs Catalauniques et Lépante furent bien trop rares et trop éloignés dans le temps pour provoquer une cristallisation de l’Europe). En revanche, les épreuves qui s’annoncent, et dont on sous-estime aujourd’hui la dureté, permettront, peut-être, l’émergence de l’Etat européen en mesure de rassembler, ou de fabriquer au moyen d’une trame fédérale indispensable, la « nation européenne » pluriculturelle préexistante.

[SYMBOLES EUROPEENS]

LBTF: Assumez-vous le drapeau de l’Union Européenne ? Ne pensez-vous pas qu’un drapeau qu’on ne brandit pas perd de sa force ?

GD: Pourquoi pas ? Mais il faut reconnaître qu’il est bien fade, et qu’il ne symbolise en rien l’Europe. Il pourrait être celui d’un club sportif. De toutes les façons, un drapeau ne vaut que par les sacrifices qui ont été faits en son nom.

LBTF: L’hymne européen dans sa version actuelle n’est pas chanté. Ne pourrait-on pas par exemple chanter son premier couplet, dans sa version originale ?

GD: J’avoue mal le connaître, et je n’ai pas d’opinion à ce sujet.

LBTF: Faut-il mentionner les « racines chrétiennes » de l’Europe dans des textes fondateurs ?

GD: Je ne le pense pas, bien que l’héritage chrétien ne soit pas contestable. Mais un Etat n’a aucune raison de se revendiquer d’une religion, même si les Américains ou les Arabes le font. A moins qu’il n’entende l’instrumentaliser.

LBTF: L’absence de « religion identitaire » pour les Européens, que déplorait Dominique Venner dans « Le choc de l’histoire », le christianisme étant une religion à vocation universelle, est-elle selon vous un problème ?

GD: Comme agnostique, l’idée de religion n’emporte pas mon adhésion. La déchristianisation de l’Europe ne serait pas un mal en soi, à mes yeux, si ce n’était qu’elle laisse le champ libre à une religion plus infantilisante et plus aliénante encore, l’Islam. Et, s’il a fallu lutter pendant plusieurs siècles pour laïciser les sociétés européennes, sans malheureusement se débarrasser de toutes ses scories universalistes, ce n’est pas pour succomber maintenant à cet obscurantisme là.

Le seul culte que j’admets est celui des ancêtres parce qu’il nous indique d’où l’on vient, et qu’il nous permet de rester en prise avec nos origines, qu’il est une façon de respecter les sacrifices accomplis, et qu’il désigne à notre postérité une route à suivre, par delà les errements individualistes souvent misérables.

LBTF: Gérard DUSSOUY, je vous remercie.

GD: C’est moi qui vous remercie, Thomas Ferrier, de m’avoir donné l’occasion de répondre à un certain nombre de questions essentielles pour ceux qui réfléchissent au devenir de l’Europe et de nos enfants.

ENTRETIEN AVEC GERARD DUSSOUY (PARTIE 2/2)

FIGURES EUROPEISTES: GERARD DUSSOUY (1/2)

 
Europa.jpgGérard DUSSOUY est professeur émérite à l’université de Bordeaux, spécialiste de la géopolitique, et partisan déclaré d’un européisme authentique. Il est l’auteur en 2013 de « Fonder un Etat européen », aux éditions Tatamis.

LBTF: Gérard DUSSOUY, bonjour.
 
GD: Bonjour.

[INSTITUTIONS ET POLITIQUE]

LBTF: Votre ouvrage expose d’une manière extrêmement pédagogique l’enjeu européen. Pourquoi personne n’a-t’il osé aussi explicitement défendre l’Europe politique ?

GD: La politique et la rationalité ne font pas bon ménage. Or, le discours en faveur de l’Europe politique est un discours éminemment réaliste et rationnel qui suppose des efforts intellectuels, une réflexion globale et l’acceptation de mises en cause matérielles et symboliques. On ne peut pas construire une carrière politique dessus. Il va à l’encontre des représentations et des mythes nationaux récurrents, des contes de fée idéologiques (sur le changement social et sur le monde à venir) qui embrouillent les esprits. Mais qui permettent aux hommes politiques d’accéder au pouvoir, et de s’y maintenir le plus longtemps possible, en réfutant la réalité et en misant sur des comportements électoraux conformistes et routiniers.

De fait, les partis traditionnels, de droite et de gauche, ne croient à la possibilité d’une Europe politique, ou ils n’en veulent pas, et ils entretiennent les opinions publiques dans leur scepticisme. Dans cette optique, les médias ont tout intérêt à étouffer le discours européiste, réaliste et rationnel, qui contredit ces derniers, et à donner la parole aux groupements souverainistes qui font dans l’imprécation, mais qui sont sans solution.

Néanmoins, l’efficience d’un discours dépend aussi du contexte dans lequel il est prononcé. On peut penser que celui qui se dessine sera plus favorable à l’Europe politique. Après le figement de la Guerre froide (qui interdisait toute idée d’émancipation de l’Europe) et les illusions du nouvel ordre marchand mondial (dont on commence à peine à prendre la mesure du désastre qu’il entraîne pour les nations européennes), des échéances se profilent qui ne laisseront pas d’autre alternative qu’entre sa réalisation ou le chaos et la misère. Alors, gageons que nécessité et pédagogie combineront leurs effets salutaires.

LBTF: Quand on lit de prétendus « fédéralistes européens » comme Daniel Cohn-Bendit, on a l’impression que l’Europe dont ils parlent est un objet théorique, sans identité, sans racines, sans histoire. Ne sont-ils pas alors les meilleurs alliés des souverainistes.

GD: Les « fédéralistes européens » ne sont pas des européistes, au sens où il s’agit de penser une Europe souveraine et décomplexée, libre de ses choix politiques et sociétaux, mais des mondialistes, des cosmopolites. L’Europe en soi, avec son histoire, sa civilisation, et les intérêts spécifiques de ses peuples ne les intéressent pas. Ils ne voient dans l’Union européenne qu’une zone de libre-échange, préfiguration de ce que doit devenir le monde entier, quitte à ce que les Européens en fassent les frais, compte tenu des disparités considérables qui séparent les différentes sociétés du globe. Dans cette démarche, José Barroso, le président irresponsable de la Commission, n’entend-il pas réaliser avec les Etats-Unis une zone de libre-échange transatlantique dont les attendus iront au-delà des recommandations de l’Organisation Mondiale du Commerce ?

Il tombe sous le sens que les conséquences sociales catastrophiques de la politique économique de l’UE fait des « fédéralistes européens » les alliés objectifs, comme auraient dit les marxistes à une époque, de ceux qui, par désarroi ou par nostalgie, s’énoncent souverainistes, et ne peuvent maîtriser leurs affects.

LBTF: Une erreur majeure des prétendus européistes est de laisser aux souverainistes le « monopole du réel », refusant de prendre en compte la colère, la frustration, l’angoisse des Européens vis-à-vis de phénomènes mondialisés, comme le capitalisme international, l’islamisme ou l’immigration non-européenne. Quel discours devrait-on selon vous opposer aux europhobes ?

Europa2.jpgGD: Le problème ici, est que tous autant qu’ils sont, les « Bruxellois » ou autrement dit la sphère dirigeante de l’UE, d’un côté, et les souverainistes, de l’autre, ont perdu le sens du réel. Les premiers, parce qu’ils courent après leur rêve d’un monde irénique, d’une humanité totalement intégrée et débarrassée de tous les rapports de force. En dépit du fait que leur politique met en péril l’existence même des sociétés et des cultures européennes. Les seconds parce qu’ils ne veulent pas comprendre que le repli national est, face aux dérives et à l’aveuglement de l’UE qu’ils dénoncent à juste à titre, une impasse. Ils n’ont pas pris conscience des changements intervenus dans les rapports de puissance mondiaux. Il faut leur montrer que, par exemple, seul un Etat européen serait capable de mettre à la raison, par les mesures de rétorsion nécessaires et adéquates, les grands financiers ; ou encore, de s’opposer efficacement à l’expansionnisme musulman, lequel est, à la fois, démographique (par l’émigration), religieux (par le prosélytisme) et financier (par l’investissement).


LBTF: Vous évoquez la nécessité d’un « parti européen révolutionnaire », parti pilote qui permettrait d’engager un processus politique en vue d’une république européenne. A quoi devrait-il ressembler selon vous ?

GD: Aucune organisation politique, aucun parti politique, pas même dans un seul des pays de l’Union européenne, n’est porteur aujourd’hui du projet de l’Etat européen. Tous les partis, nationaux par essence, sont frappés par le tropisme électoral et par une absence patente de vision de l’avenir.

La prise de conscience européenne, susceptible de légitimer et d’engager le processus d’unification, nécessite donc l’émergence d’un acteur politique révolutionnaire en ce sens qu’il transcenderait les clivages nationaux en termes de représentation du monde, d’objectifs politiques et de méthode d’action.

Supranational par vocation, cet acteur (parti, réseau, réseau de réseaux) doit trouver les moyens d’européaniser les débats politiques en faisant ressortir l’identité européenne des enjeux de toutes natures, des risques encourus. Ce qui n’est pas difficile quand on observe les émeutes ethniques qui frappent les grandes villes européennes, ou quand on recherche les causes de la crise économique et sociale qui atteint, à des degrés divers, les salariés européens. Les remèdes ou les solutions ne peuvent être, tout le monde le sait, que communautaires.
 
L’acteur européiste doit se concevoir comme plurinational dans son action (des thématiques communes et des actions similaires sont à mener dans un maximum de pays européens) et multinational dans son implantation en Europe (il doit exister partout où il le peut, sous des formes diverses et variées).

LBTF: Une assemblée européenne constituante par auto-proclamation du parlement européen, serait-ce une bonne méthode pour faire naître l’Etat européen que vous appelez de vos vœux ?

GD: Ce scenario me semble particulièrement optimiste. Mais il serait idéal. Il suppose qu’une majorité de parlementaires européens soient acquis aux idées européistes.

LBTF: Si un européisme identitaire émergeait à l’échelle d’un seul état européen, mais pas à l’échelle de l’Europe entière, ne risquerait-il pas d’être écrasé ?

GD: Le risque existe effectivement, même pour l’un des plus puissants Etats européens. C’est pourquoi, si cet Etat entend jouer le rôle de « Piémont de la nouvelle Europe », il lui faut des relais dans les autres Etats, afin de ne pas demeurer isolé et de pouvoir s’unir vite avec un ou quelques autres Etats.

Votre question amène à souligner la nécessité de cette organisation européiste supranationale, prête à éclairer les opinions publiques, à l’instant esquissée.

[EUROPE ET FRONTIERES]

LBTF: Qu’est-ce qu’un européen ?

GD: C’est un être humain dont la filiation européenne ancestrale est prouvée.

LBTF: Dans votre ouvrage, vous prônez à terme l’intégration de la Russie dans l’Europe unifiée, idée à laquelle nous sommes très favorables. Mais qu’en serait-il par exemple du Caucase ?

GD: Il faut rappeler que le Caucase représente pour la Russie sa « frontière naturelle » méridionale. Celle qui la sépare et la protège du monde moyen oriental. Et l’acquisition de ce rempart naturel a été le résultat d’une politique tsariste de longue haleine. L’éventuelle adhésion de la Russie à l’Europe unie ne changerait rien.

Il faut ajouter que les deux Etats de Transcaucasie, l’Arménie et la Georgie, ont aussi leur place dans une Europe, dont ils sont des « postes avancés » aux portes de l’Asie centrale.

LBTF: L’islam, balkanique et caucasien, est-il compatible avec l’adhésion à l’Union Européenne, y compris à la version que vous prônez ?

GD: Sans doute, mais à la condition d’une laïcisation complète, achevée (ce qui ne fut pas le cas dans l’ancienne Union soviétique).

LBTF: La Turquie la plus européenne n’est-elle pas celle qui refuse de rejoindre l’Union Européenne ?

GD: Je suppose que vous faites allusion à la région d’Andrinople, qui a peut-être intérêt à demeurer dans un « entre-deux ».

LBTF: Le Royaume-Uni peut-il faire partie de cette République Fédérale Européenne ?

GD: En théorie, cela ne pose pas de problème puisque l’appartenance à un éventuel Etat européen repose sur l’adhésion à ses valeurs et à sa politique. En pratique, en ce qui concerne le Royaume-Uni, compte tenu des sacrifices symboliques (monarchie) et des révisions politiques (relation spéciale avec les Etats-Unis) à faire, ou des obstacles psychologiques à surmonter (estime de soi), l’hypothèse apparaît bien incertaine, très douteuse.

Toutefois, rien n’est définitif. La recomposition ethnique de la population britannique, avec la décomposition inhérente de la nation anglaise, pourrait modifier l’attitude des Anglais, Gallois et Ecossais dans le sens d’une plus grande solidarité avec les autres Européens.
 
ENTRETIEN AVEC GERARD DUSSOUY (PARTIE 1/2)

26/05/2013

Chroniques de la décadence européenne - 26/05/2013

DU « MARIAGE POUR TOUS »

romeburning.jpgUne nouvelle manifestation d’opposition au mariage homosexuel se déroulait aujourd’hui. Moins importante que les précédentes, elle témoigne d’une indiscutable démobilisation d’une partie des opposants. Elle était prévue et dans une certaine mesure elle a eu lieu. C’était inévitable, à partir du moment où plus aucun dispositif institutionnel ne pouvait empêcher l’application de cette loi.

A l’issue de ce mouvement de contestation arrivant à son terme, puisque de l’aveu des ténors de l’UMP comme de la personnalité non représentative de cette contestation, la créature médiatique « Frigide Barjot », ce sera la dernière manifestation. Quel bilan provisoire peut-on en tirer de toute cette affaire ?

Du côté du gouvernement, on n’a pas tremblé afin de tenir la promesse faite par le candidat Hollande à une « communauté » sexuelle marginale, quelques milliers d’individus étant concernés, mais sans doute bien représentés au PS. La loi commune a pourtant pour but l’intérêt de tous et n’a pas à être modifiée pour plaire à une extrême minorité. En vérité, la seule chose que le président en exercice peut faire, c’est de récompenser les minorités qui l’ont soutenu, qu’elles soient sexuelles ou ethniques. Il n’a aucun moyen en revanche de contrer la crise économique que nous connaissons et qui s’explique par l’échec total du modèle libéral, un modèle qui arrive à épuisement, pris dans ses contradictions.

Le gouvernement a été aidé en ce sens par une droite tiède si ce n’est timide, incapable de parler d’une seule voix, se divisant entre ceux qui voudraient se limiter à mettre en place la même politique que la « gauche » (François Fillon) mais à sa place, et ceux qui voudraient proposer une alternative plus marquée, selon la démarche de l’ancien président Sarkozy (Jean-François Copé et Guillaume Peltier). La droite molle a déjà renoncé à remettre en question cette loi si elle devait arriver au pouvoir en 2017. La droite « forte », qui sait qu’elle devra se résoudre au même renoncement, comme l’a fait le Parti Populaire en Espagne, est en revanche prête à assumer en paroles et dans la rue son refus. Il faut bien éviter la fuite des électeurs conservateurs vers l’extrême-droite et le Front National, dont la dirigeante a été pourtant particulièrement discrète sur cette question, Marine Le Pen étant indiscutablement gay-friendly, tout comme Virginie Merle (« Frigide Barjot »), à la différence notable de sa nièce.

Il a aussi été aidé, en plus des sénateurs et des députés de droite venus en renfort de la fausse « gauche », par un conseil constitutionnel particulièrement complaisant, qui a adapté son calendrier à celui voulu par le président de la république, au point de rendre sa décision favorable le jour international de « lutte contre l’homophobie ». On savait déjà que Jean-Louis Debré ne serait pas zélé sur cette question, et il l’avait d’ailleurs annoncé, et on se doutait bien qu’un politicien âgé comme Giscard d’Estaing suivrait le mouvement, incapable qu’il avait été du temps du pouvoir à s’opposer au « parti de la décadence ».

Enfin, François Hollande a été considérablement aidé par Virginie Merle, épouse Tellenne, personnage fantasque que les media ont mis en exergue et qui a ainsi pu se retrouver propulsée à la tête d’un mouvement dont elle ne partageait en rien les finalités. En effet, partisane officielle de l’union civile pour les homosexuels, c'est-à-dire en vérité du « mariage civil », se limitant à refuser un droit d’adoption que l’union civile autoriserait en réalité aussi, elle n’était pas à même d’opposer un front du refus sérieux à la politique gouvernementale. Au contraire, elle a plutôt cherché à orienter le mouvement vers une voie sans issue, n’hésitant pas à jeter l’anathème sur le « Printemps français » et à dénoncer des extrémistes pour la plupart imaginaires. Elle a fini par s’écarter lorsque ses provocations multiples, et sa déclaration honteuse sur Dominique Venner, qu’elle ne connaissait pas, l’ont fait mal voir de gens agacés et désormais moins disposés à la tolérer parmi leurs rangs.

Sa mise en avant, tout comme celle des évêques et des représentants les plus marqués de l’ultra-cléricalisme le plus réactionnaire, ont permis de détourner une saine colère populaire vers une voie de garage. Or il y avait d’excellentes raisons, sans avoir nulle besoin de se référer au christianisme, de refuser le « mariage pour tous », qui est une insulte perpétuelle à la tradition européenne, héritière du génie grec, romain et nordique. C’est bien pourquoi un historien païen n’a pas hésité à se sacrifier au nom de notre civilisation il y a quelques jours à Notre-Dame. Ce geste héroïque a indigné de nombreux chrétiens, et en particulier les traditionnalistes, qui n’ont pas été en mesure de le comprendre. J’y reviendrai dans un prochain article.

Quant à la conclusion de cette affaire, à savoir la promulgation de la loi à la va vite par un gouvernement aux abois, Hollande ayant mis moins d’une journée pour signer le décret d’application, une fois le verdict du Conseil Constitutionnel rendu, elle invite à une réflexion plus générale sur le concept de loi.

Le véritable courage politique ne sera pas de se limiter à l’abrogation en 2017. La droite « forte » et le néo-FN de Marine Le Pen ont annoncé qu’ils l’abrogeraient, tout en précisant que ceux qui se seront mariés entre 2013 et 2017 le resteront. On sait ce qu’il faut penser d’un tel engagement. Une fois au pouvoir, ils n’en feront rien.

La seule position crédible dans le cadre national serait bien de prôner l’abrogation avec effet rétroactif de cette loi. Mais il n’existe pas de « solution nationale », ni sur cette question ni sur une autre. La France n’est d’ailleurs pas la seule en Europe à avoir mis en place un « mariage » homosexuel. Elle ne fait que rejoindre les pays scandinaves, le Benelux, la péninsule ibérique, et sera prochainement suivie du Royaume-Uni. Seule une solution européenne, dans le cadre de la mise en place d’un état civil européen, pourra y remédier. En définissant à l’échelle de l’Europe le mariage civil comme l’union d’un homme et d’une femme dans le cadre d’un nouvel Etat qui s’appellera l’Europe, la question sera réglée. Et cette loi PS rejoindra les oubliettes de l’histoire, en même temps que la constitution française. Une constitution européenne la remplacera, bâtie sur des principes sains, conforme au génie de nos ancêtres.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

21/05/2013

Mort d’un titan européen !

dominique venner,suicide,21 mai 2013,thomas ferrier,hommageDominique Venner dîne ce soir en Elysion. Il s’est sacrifié sur l’autel de Minerve en ce jour de Mars, ce mardi 21 mai, pour offrir aux Européens la victoire, tel le général romain dédiant sa vie aux dieux lors de ce rite sacré qu’on appelait devotio.

Son geste ne peut pas être compris des sycophantes qui trônent à la télévision et de cette caste de politiciens arrivistes sans honneur et sans conviction. Il est mort en romain, tel Sénèque s’ouvrant les veines pour protéger les siens contre l’ire d’un tyran. Ce Néron moderne, qui est le Système à assassiner le peuple européen, il l’a combattu toute sa vie et de là où il est, aux côtés des héros de notre terre, il le combat toujours.

J’ai rencontré Dominique Venner deux fois dans ma vie, et la seconde fois, il y a quelques mois, me mit face à un européen authentique. Son paganisme, il le vivait par ses actes et par ses mots. Les éphémères que nous sommes ne peuvent plus comprendre l’esprit qui a pu animer un Léonidas ou un Scipion. Mais en rencontrant Venner, l’homme moderne est face à un homme de la tradition, face à un résistant contre toutes les décadences, contre toutes les trahisons.

L’homme est mort mais son âme est immortelle. Il aura été l’homme qui aura dit non à l’extinction de l’Europe, non à ce long suicide de la psychê européenne qui nous emmène jusqu’au bord du gouffre. Et pendant que ce soir, sur cette place de la Bastille où de vrais hommes ont combattu pour la liberté et pour la république, trônent ceux qui se réjouissent d’avoir tourné le dos à l’Europe éternelle, Dominique gagne le royaume de Zeus, invaincu.

Son combat pour l’Europe européenne, il l’aura mené jusqu’au bout, jusqu’à l’ultime. Europa ne l’oubliera pas. Et nous ne l’oublierons pas.

Nous n’oublierons pas l’historien remarquable, l’auteur de « Histoire et traditions des Européens », du plus récent « Choc de l’histoire », de ce « Dictionnaire de la collaboration » où il n’hésita pas à rappeler le passé collaborationniste de gauche du père d’un ancien premier ministre PS.

Nous n’oublierons pas l’homme cultivé, plein de sagesse, d’une noblesse sans égal, mais un homme abordable, chaleureux et de conviction. Il fut un pilier, celui d’une Europe qui ne renoncera jamais à demeurer ce qu’elle est et à éblouir le monde. Si Arès avait dû sur terre s’incarner, il aurait été un Dominique Venner.

Il servit Mars, dans son combat pour une civilisation qui ne se mettra jamais à genoux puis dans son action politique pour que naisse la Nation Europe ! Puis il se mit au service de Minerve, et de Dame Clio, et par sa plume sure, par son talent, il nous rappela nos ancêtres, la vision qui fut la leur et pourquoi ils sont morts.

Dominique nous a quittés. Pour que la victoire soit, même s’il ne la verra pas en parcourant la terre des vivants, il a choisi sa mort. Tous les hommes libres d’Europe, tous ceux qui chérissent notre civilisation immémoriale, née du génie de ces Boréens que Dominique évoquait avec nostalgie, née de la Grèce d’Homère, dont l’Iliade était son livre de chevet, et de la Rome de Brutus l’ancien, pleurent en ce jour.

C’est un européen parmi les meilleurs qui vogue sur la barque de Charon. Son nom sera à jamais en notre cœur. Et sa statue, un jour, siègera devant cette cathédrale dans laquelle il coupa le fil des Parques, par un geste conquérant.

Il y a deux millénaires, ce n’était pas cette vierge qu’on y honorait mais Athéna Parthénos, la Minerve gallo-romaine, Brigantia. En face du temple de Mars Camulus, où désormais se trouve la Préfecture de Police par une ironie de l’histoire. Au cœur même de Lutèce, dans la cité des Parisii, il s’est éteint mais ce faisant il a allumé une flamme qui, elle, ne s’éteindra pas.

dominique venner,suicide,21 mai 2013,thomas ferrier,hommagePour que sa mort n’ait pas été vaine, les Européens que nous sommes avons hérité d’un devoir, celui de faire vivre et de faire revivre l’Europe, celui de combattre jusqu’à notre dernière goutte de sang pour que l’Europe unie soit, pour que l’Europe renaisse. Tel est son message.

Dominique Venner n’était pas un souverainiste ni un réactionnaire. Il était un véritable révolutionnaire, un authentique patriote de l’Europe unie, et surtout un homme d’une grande valeur, un kalos kagathos.

Salut à toi, combattant de l’Europe !
 
Thomas FERRIER

12/05/2013

Elections législatives bulgares : le GERB triomphe de la nausée

BULGARIE

élections législatives bulgares,ataka,gerb,psb,bulgarie,thomas ferrierC’est dans une Bulgarie désespérée que les électeurs se sont rendus ce dimanche aux urnes mais sans conviction. A 17h30 à Sofia, seulement 41,3% des électeurs avaient fait le déplacement. Encore une fois, en Europe centrale, le parti de l’abstention est le grand vainqueur. Il l’est d’autant plus que la corruption endémique de la classe politique bulgare a fait des ravages dans l’opinion.

En l’absence même de résultats préliminaires, nous devons pour le moment nous contenter des différents sondages sortis des urnes. La hiérarchie entre les partis politiques semble à peu près déterminée à cette heure.

Le GERB, parti de droite libérale et conservatrice, et actuellement au pouvoir à Sofia, semblerait demeurer le premier parti du pays, avec entre 30,4% et 34% des voix, loin devant le PSB (socialistes bulgares), qui n’obtiendrait qu’entre 25,3% et 28,7%.

Le mouvement de défense de la minorité turque connaît également un résultat plus qu’honorable avec près de 10% des voix, et même 10,9% dans le sondage le plus favorable. Il a su ratisser et même assécher le vote de sa communauté, afin de peser au parlement comme troisième force du pays.

La droite nationaliste et eurosceptique, représentée par Ataka de Volen Siderov mais aussi par le Front National pour le Salut de la Bulgarie (NFSB) de Valeri Simeonov, s’en sort plutôt bien, alors que les sondages d’il y a encore un moins l’annonçaient comme l’une des grandes perdantes du scrutin. Mais les derniers scandales politiques lui ont permis de relever la tête.

Créditée d’entre 7,5 et 9%, Ataka réussit un score honorable, alors même que le parti était en perte de vitesse, depuis notamment le score extrêmement médiocre de Siderov aux dernières élections présidentielles, score qui avait amené, en plus de problèmes matrimoniaux, à une scission menée par son ancien beau-fils Dimitar Stoyanov, député européen et fondateur du « Parti National-Démocrate », structure totalement absente à ce scrutin. En revanche, le NFSB rate de peu l’entrée au parlement, avec 3,3% des voix environ. Il fait jeu égal avec le DSB (Démocrates pour une Bulgarie Forte), de droite conservatrice, et qui ne rentrera pas non plus au parlement, au grand dam du GERB, mais aussi avec le DBG (« Bulgarie des citoyens »).

Le VMRO (nationalistes macédoniens), avec environ 2,1% des voix, et le P3C (mouvement populiste « Ordre, loi et justice ») avec entre 1,5 et 2,1%, complètent la marche.

En résumé, la droite conservatrice, bien que divisée en plusieurs factions, domine au niveau électoral, mais seul le GERB entre au parlement et se retrouve ainsi sans alliés. Le PSB a échoué à proposer une alternative crédible au GERB mais pourrait compter sur l’appui de la communauté turque (DPS). Le pays risque donc d’être sans majorité parlementaire, ce qui pourrait conduire à de nouvelles élections. Les nationalistes, Ataka en tête, capitalisent quant à eux un peu moins de 15% des voix, ce qui est un score plutôt élevé. Siderov apparaît comme l’un des gagnants de ce scrutin, ayant réussi à digérer sa scission interne et contenir la concurrence du NFSB.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)

Mise à jour: à 22h50, à 86% du dépouillement, l'organisme NTSIOM nous donne les résultats provisoires suivants: GERB 32,04%, BSP 26,22%, DPS (turcs) 9,93%, ATAKA 8,5%, NFSB 4,11%. Cela signifie que, contrairement aux prévisions, les nationalistes du NFSB rentreraient également au parlement de Sofia.

L’Etat européen, une nécessité historique

dussouy_modifie-1.jpgIl faut remercier les éditions Tatamis pour la publication de l’ouvrage très stimulant de Gérard Dussouy, professeur émérite et géopoliticien, intitulé « Fonder un Etat européen », préfacé par l’européiste identitaire Dominique Venner.

Afin de ne pas heurter de manière trop directe une partie de son lectorat, Dussouy a choisi de sous-titrer son ouvrage de la mention « contre l’Europe de Bruxelles », une manière de se dissocier d’une construction européenne éminemment critiquable par bien des aspects mais dont on peut aussi espérer qu’elle aboutisse, adroitement subvertie par de sains principes, à cette République européenne fédérale que Gérard Dussouy appelle de ses vœux.

La représentation d’Europa par Eric Heidenkopf, dont le nom est déjà tout un symbole (« tête de païen »), qui sert d’illustration à l’ouvrage est en elle-même un programme. Elle a les traits d’une déité scandinave mais muni d’un casque d’hoplite, une lance et un bouclier sur lequel est figurée la chouette d’Athéna, telle qu’elle apparaissait sur la drachme athénienne et sur la pièce grecque d’un €uro. Lui prêter les traits de Minerve n’est pas innocent. C’est ainsi par exemple que Britannia fut représentée. Europa est donc de fait l’incarnation de la nation européenne, en même temps qu’elle représente la sagesse dont il faudrait que les Européens fassent preuve afin qu’ils s’unissent.

Dussouy a pleinement compris que le destin de l’Europe était dans son unité, dans la construction d’un véritable Etat européen. Il sait que notre avenir passe aussi par une politique ambitieuse vis-à-vis des Européens de l’Est, et notamment vis-à-vis de la Russie. Selon lui, « il est clair que l’avenir de l’Europe est à l’Est, surtout si l’on pense à une intégration à moyen terme de la Russie » (p 108). Audacieux, il ajoute même qu’ « il serait justifié d’envisager un déplacement de l’Europe vers le centre du continent ». Europolis n’a en effet de sens qu’au cœur du continent, entre l’Allemagne de l’Est, la Bohême-Moravie, l’Autriche et la Hongrie.

Pour lui, « l’Etat européen [est] la seule chance de survie politique (…) des peuples européens » (p 129). Cette analyse évidente à nos yeux, mais encore bien trop contestée aux yeux du plus grand nombre, surtout dans cette période de crise où les sirènes eurosceptiques sont à la mode, résulte d’un constat implacable. Dussouy ne tait aucun des maux qui rongent notre continent, la démographie véritablement en berne de nos pays, la submersion migratoire et islamique qui menace notre européanité, et l’incapacité de l’Union Européenne actuelle à proposer des solutions. Il n’est pas non plus dupe des « bons chiffres » de la natalité française, qui cache mal la part des domiens et des migrants aboutissant à ce résultat artificiel.

Prônant un « supranationalisme européen » (p 142), il ne voit pourtant pas l’Europe comme une nation ni même comme une nation en gestation, à l’image de l’Italie d’avant Cavour. Nous divergeons de lui sur ce point. A partir du moment où une nation regroupe ceux « nés d’une même lignée », l’Europe est bel et bien une nation, une nation sans Etat, ce à quoi Dussouy propose à juste titre de remédier. En revanche, sa condamnation d’ « Etats-Unis d’Europe », qui maintiendraient les anciens Etats dans leur géographie actuelle, est absolument justifiée. Sa « fédération de régions », ce que nous appelons euro-régions, est l’idéal, à partir du moment où on évite la balkanisation prônée par certains régionalistes.

La question de la langue commune est courageusement abordée. Dussouy prône le choix du latin (p 155), en référence à l’antique romanité. Je ne pense pas qu’on puisse le faire accepter aux Européens de langue germanique ou de langue slave, qui constituent la majorité des habitants de notre continent, et pas même aux Grecs modernes. Sans nier l’apport remarquable de la langue latine à notre civilisation, elle apparaîtrait comme un privilège accordé aux locuteurs de langue romane. Seul l’europaiōm, qui n’est autre qu’une version modernisée de la langue-mère des Européens, celle que les linguistes ont baptisée « proto-indo-européen », traiterait à égalité tous les grands groupes linguistiques de notre continent.

Dussouy, après avoir exposé les raisons de son refus d’une adhésion turque, ose enfin braver la bien- pensance en soutenant l’idée d’une intégration de la Russie à l’Europe unie, où elle a toute sa place. Il désavoue par ailleurs la théorie « eurasiste », présentée à juste titre comme un « leurre », et que prône un Douguine, soutenu par ses relais français islamotropes. Et l’auteur oppose un « patriotisme géographique » à la théorie fumeuse d’Habermas sur le « patriotisme constitutionnel » (p 166).

Sa conclusion est sans appel. C’est un appel au réveil européen, à sortir de la dormition que dénonce Venner. « La voie de salut (…) est dans la revendication et la réalisation de l’Etat européen fédéral et volontariste qui permettra aux Européens d’exister et de rester eux-mêmes. » (p 179)

L’avenir est donc bien cette alternative absolue entre l’Europe et la mort. Ευρώπη η θανάτος ! Dussouy nous invite à regarder en face cette réalité. C’est l’immense mérite de cet ouvrage brillamment argumenté et sans concession. Si nous divergeons d’avec l’auteur sur des points spécifiques et d’importance très relative (« nation » européenne, latin comme « langue commune »), le cœur de sa démarche est nôtre. Et à la différence de prétendus défenseurs d’une Europe unie qui tremblent à l’idée même que la Russie nous rejoigne, il sait que la clé de notre salut se trouve aussi à Moscou.

Enfin, s’il fustige l’Union Européenne, c’est pour ce qu’elle n’est pas, la matrice de la véritable Europe unie. Mais elle le deviendra, et grâce à des gens comme Gérard Dussouy. Malgré le ton pessimiste de l’ouvrage, à dessein, sa lecture offre en définitive un formidable message d’espoir et de courage politique. Lisez et faites lire Dussouy !

Thomas FERRIER (PSUNE)

Contre l’Europe de Bruxelles – Fonder un Etat européen, par Gérard Dussouy, Editions Tatamis, 180 pages, 14 € (port compris).

Esclavage et repentance ou la rançon exigée d'Hollande

esclavage,repentance,10 mai 2013,françois hollande,françafrique,hypermnésie,abraham lincoln,psune,thomas ferrierCe 10 mai 2013, le lendemain de la fête de l’Europe, le président de la République française tenait un discours de repentance dans lequel il fustigeait la France pour avoir participé à la traite négrière. Par une simplification historique abusive, François Hollande alimente ainsi une hypermnésie orientée, qui accable une fois encore l’Europe et l’Europe seule. Louis-Georges Tin, président du CRAN, ne s’y est pas trompé puisque le même jour il décidait de porter plainte contre la Caisse des Dépôts et Consignations, qu’il accuse de disposer de fonds issus d’un dédommagement que la France avait reçu de Haïti pour prix de son indépendance. Il chiffre à 21 milliards d’€, selon un calcul d’actualisation imaginaire, le préjudice subi et demande à ce que notre pays rembourse cette « dette ». Les chômeurs français apprécieront.

Le député européen écologiste Jean-Jacob Bicep réclame quant à lui la mise en place d’une journée européenne consacrée aux victimes de la colonisation et de l’esclavage affirmant sans rire que « toute l’Europe en a profité ». On voit mal en quoi l’Irlande, colonie des Britanniques, aurait profité de la colonisation alors qu’elle était elle-même colonisée, ni en quoi les Etats d’Europe centrale et orientale, qui pour la plupart n’ont obtenu leur indépendance qu’en 1918, ou encore l’Islande qui ne l’a été qu’en 1945, auraient été bénéficiaires d’une politique qui, par ailleurs, n’a jamais bien au contraire enrichi les pays qui se lancèrent dans l’aventure coloniale, leur attachant en réalité un boulet économique.

Pour des raisons morales, l’esclavage était inacceptable, même s’il n’a enrichi qu’une poignée de marchands, une infime partie du peuple français, nation de paysans jusqu’au milieu du XIXème siècle. Rappelons que le servage n’a été aboli en France qu’en 1789 et ne l'a été en Russie qu’en 1861. Or un serf européen n’est rien d’autre qu’un esclave, un servus. Enfin, les ouvriers français et européens, ceux qui ont été avec les capitaines d’industrie les principaux responsables de la richesse de l’Europe moderne, ont connu un sort au XIXème siècle qui n’était en rien enviable. Je pense notamment aux mineurs français qui se sont tués à la tâche pour améliorer le sort de leurs enfants.

De même, la colonisation fut une erreur monumentale, tant morale qu’économique, sur laquelle les peuples européens ne furent jamais démocratiquement consultés. Il ne faut jamais oublier le combat de George Clémenceau contre cette folie dans les années 1880, mais aussi ce mot lucide du journaliste Raymond Cartier à la fin des années 50 : « Le colonialisme a toujours été une charge en même temps qu’un profit, souvent une charge plus qu’un profit. » On ne peut pas dire que l’Europe s’est enrichie, pas même les pays colonisateurs, bien au contraire.

Revenons sur la question même de l’esclavage que François Hollande dénonce comme fondée sur « la couleur de la peau ». Cette assertion également doit être discutée.

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21/04/2013

Du principe de non-rétroactivité des lois et du "mariage pour tous"

Harmodius_and_Aristogeiton.jpgLe président français Hollande a initié depuis maintenant plusieurs mois un processus législatif en vue d’introduire un « mariage pour tous » qui n’est autre que l’ouverture du mariage aux homosexuels, seuls bénéficiaires de cette disposition. Alors que la loi a été votée par l’assemblée et le sénat, et qu’il ne reste que quelques points marginaux à voter, et ce même si un recours constitutionnel aura certainement lieu, 60 députés et sénateurs opposés à cette loi étant faciles à trouver, des manifestations importantes, parfois émaillées de divers incidents et de provocations, militantes ou policières, ont lieu. Elles sont sévèrement réprimées alors qu’en revanche la criminalité de banlieue explose, et que la police et la justice semblent démunies pour y faire face. Il est sans doute plus facile d’arrêter des jeunes européens dans les rues de Paris que de mettre en prison des délinquants multirécidivistes mineurs, comme ceux de Grigny.

Dans son argumentation de défense de cette loi, François Hollande a expliqué qu’ "il faut respecter le Parlement et la loi, et respecter le suffrage universel, qui a été informé de [ses] intentions lorsqu’[il s’est] présenté devant lui » mais qu’ « il peut décider autre chose dans quatre ans ». Ainsi le nouveau président laisse entendre qu’on pourrait revenir rétroactivement en 2017 sur cette loi, que ce qu’il fait, d’autres pourraient le défaire, et invite les autres partis à clarifier leur position, dire précisément ce qu’ils feraient une fois au pouvoir.

L’UMP et le FN ont ainsi annoncé qu’ils abrogeraient la loi sur le « mariage pour tous » s’ils arrivent au pouvoir, mais Marine Le Pen a cru bon d’ajouter en revanche que ceux qui auront été mariés, donc entre 2013 et la future abrogation de cette loi, le resteront. C’est ainsi que la droite espagnole, qui avait annoncé avant sa victoire électorale qu’elle reviendrait sur la loi sur le mariage de Zapatero, a fini par se dégonfler. L’intérêt en effet d’abroger une loi dont l’essentiel de ses conséquences a déjà eu lieu paraît en effet peu pertinent.

Le véritable courage politique serait sans doute de ne pas se limiter à abroger la loi pour l’avenir mais en annuler rétroactivement les effets. Parce que, si on considère qu’un « mariage homosexuel » n’aurait pas de sens, il n’en a pas plus au passé qu’au futur.

C’est là que se pose la question d’un principe de droit qu’on suppose intangible et qui est celui de la non-rétroactivé des lois. Or, le gouvernement peut décider d’augmenter les impôts qui s’exercent sur des revenus antérieurs. La rétroactivité des lois a également été appliquée par le Tribunal Militaire International de Nuremberg en 1946 contre les criminels nazis, en raison de l’horreur inspirée par les actes commis, condamnés à mort au nom d’une loi postérieure aux faits. Et dans la première démocratie historique, Athènes, Périclès fit annuler rétroactivement l’octroi de la citoyenneté athénienne aux étrangers naturalisés du temps de la dictature des Pisistratides.

Ainsi, en démocratie, ce qu’un pouvoir politique a pu faire, le peuple peut le défaire. Et si un gouvernement devenu illégitime, qui n’a plus le soutien que de 25% des citoyens, sous prétexte d’être majoritaire dans les assemblées, fait voter une loi scandaleuse aux yeux du plus grand nombre, alors cette loi doit pouvoir être annulée totalement, y compris de manière rétroactive.

Dans un contexte européen d’extrême hétérogénéité des statuts maritaux, la France n’étant ni le premier ni le dernier pays du continent à inventer un « mariage gay », ce que les Grecs et les Romains, pourtant très tolérants en matière de sexualité, n’auraient jamais imaginé et auraient refusé de toute leur âme, la question est de toute façon dépassée et concerne l’Europe tout entière.

Dans le cadre de l’Europe unie, il faudra harmoniser les règles en matière de mariage afin d’établir un état civil européen. Plutôt que d’abroger des lois nationales qui cesseront d’exister en même temps que les constitutions des anciens états européens, il suffira de définir le mariage en Europe selon le principe de l’union de deux personnes de sexe différent, comme cela sera encore le cas dans plus d’un pays européen, Russie en tête, et la question sera résolue, sans avoir recours à un principe rétroactif.

Thomas FERRIER (PSUNE)

07/04/2013

L’Alsace dit non à la fusion

référendum, fusion départementale,Alsace,Bas-Rhin,Haut-Rhin,non,Thomas FERRIER,PSUNE65% environ de oui dans le Bas-Rhin, 55% environ de non dans le Haut-Rhin. Même si le oui l’avait emporté dans les deux départements, le quorum de 25% de oui n’aurait pas été atteint, la mobilisation n’ayant pas été à la hauteur. Mais ce résultat est un vote de défiance d’une partie des Alsaciens, et notamment des habitants de Colmar (70% de non), dans un contexte où la classe politique toute entière est mise en cause par les citoyens (crise interne de l’UMP + désaveu du gouvernement PS) et où les accusations de corruption n’ont jamais été aussi fortes.

Même si les partisans du non, les partis parisiens anti-régionalistes (FN et DLR en tête, Front de gauche), vont s’attribuer le mérite de cet échec, l’explication est beaucoup plus simple, à savoir la peur des habitants du Haut-Rhin d’être défavorisés par rapport à ce monstre qu’est Strasbourg, siège du parlement européen. Les départements, aussi artificiels aient-ils été dans leur conception, ont créé aussi des oppositions intérieures à chaque région. L’opposition légendaire en Lorraine entre Nancy et Metz, entre la capitale historique et la capitale administrative, serait une autre illustration de ce micro-chauvinisme qu’on retrouve aussi bien dans les stades de football. Les Alsaciens sont solidaires lorsque leur région est en compétition avec une autre région, mais se divisent en interne quand la question les concerne de près.

C’est d’ailleurs pourquoi les élections européennes ne permettent pas d’établir une majorité claire au parlement européen. En effet, pour cela, il aurait fallu des listes européennes se présentant dans le cadre d’une circonscription unique. Tant que les citoyens voteront pour la liste PS ou la liste UMP aux élections européennes, ils raisonneront de manière « nationale » et sur des enjeux qui n’ont rien à voir avec les questions concernant l’avenir du continent. Ils voteront notamment pour ou contre la majorité parlementaire et/ou présidentielle.

Dans le cas de ce référendum alsacien, les électeurs n’ont pas considéré qu’il y avait un enjeu suffisant pour perdre quelques minutes de son dimanche à aller voter, surtout avec ce beau ciel bleu. Le projet qui leur était proposé n’était pas assez ambitieux et a inquiété certains électeurs, notamment du Haut-Rhin, qui craignaient une marginalisation de leur département par rapport au voisin. Et puis, ce projet venait d’en haut, du président du conseil régional, des élites politiques de la région et du pays. Il n’était pas issu d’une manifestation populaire spontanée, d’une revendication ancienne et légitime.

Résultat : les partisans du oui n’ont pas su convaincre de l’intérêt simplement de cette fusion. L’enjeu a été détourné par les partis politiques vers des querelles de chapelle ou d’idéologie, et aussi vers un vote de défiance envers les institutions. Lorsque les citoyens n’ont plus confiance, ils expriment un non de principe, un non de protestation et aussi un non de désespoir.

De la même façon, si un référendum national était lancé par la majorité « socialiste » en vue de supprimer les départements, le non s’imposerait assez naturellement, les français en profitant pour signifier leur opposition de plus en plus croissante à ce gouvernement, alors que dans un autre contexte ils y seraient massivement favorables. Ce n’est que par une pratique régulière de la logique référendaire, en posant la question sur des enjeux de fond, que l’on pourra obtenir des citoyens une attitude mature. Les Suisses nous montrent l’exemple, une fois de plus.

Néanmoins, cette élection a au moins eu un mérite, c’est de faire sortir les europhobes du bois et de les faire se révéler tels qu’ils sont, petits et méprisables. Le Front National a certainement perdu beaucoup de crédit dans une région qui lui est plutôt favorable sur un plan électoral, même si ce résultat va en apparence dans son sens.

Thomas FERRIER (PSUNE)

Une Alsace alsacienne dans une Europe européenne

Quand le souverainisme trahit le peuple.

Une élection alsacienne qui déchaîne les passions.

europhobie,alsace,fusion des départements,référendum,marine le pen,nicolas dupont-aignan,psune,thomas ferrierCe dimanche, les électeurs alsaciens étaient consultés par référendum sur l’avenir administratif de leur région, un projet de fusion du conseil régional et des deux conseils départementaux (ou « généraux ») leur étant proposé. Il permettrait des économies de gestion, en plus d’une simplification administrative, avec la mise en place comme en Corse d’un Conseil Territorial. Cette initiative, qui pourrait être étendue aux autres régions, a été soutenue par la droite alsacienne, une partie de la gauche et par les autonomistes et régionalistes.

Cette élection, qui ne semble pas déchaîner les passions en Alsace même, et les premiers taux de participation indiquent un risque d’échec par manque de mobilisation des citoyens, dans un contexte économique dramatique en plus d’une crise politique liée à la faible popularité du chef de l’état et à l’affaire Cahuzac, a en revanche rendu fou les souverainistes de toutes obédiences. Alors que le FN local avait pris position au départ pour le « oui », rejoignant alors la position des régionalistes identitaires d’Alsace d’Abord, suite à un violent rappel à l’ordre orchestré par Marine Le Pen elle-même, venue spécialement à Mulhouse pour donner ses consignes, il a retourné sa veste à 180°.

Le Front National, tout comme Debout La République, est désormais à fond contre ce projet local aux enjeux très limités, et ils ont été rejoints pour des raisons plus opportunistes par le Front de Gauche. A les lire, on a l’impression que le « oui » signifierait l’indépendance pure et simple de l’Alsace voire le rattachement à l’Allemagne. Le slogan du FN est « pour une Alsace française », comme si la suppression de deux conseils généraux allait changer le monde.

Les slogans germanophobes, jusqu’à un certain Emmanuel Todd affirmant que les Alsaciens seraient « des allemands de langue française », se généralisent au niveau national, suscitant une bien légitime incompréhension des alsaciens. Même les électeurs FN de la région sont très majoritairement (à plus de 70%) en faveur du oui. C’est bien l’Etat jacobin et « parisien » qui s’exprime par la voix de Marine Le Pen ou de Nicolas Dupont-Aignan, un Etat « parisien » arrogant, qui met sur le même plan les légitimes revendications identitaires des régionaux et le communautarisme des banlieues.

Cela permet aussi à ces souverainistes et autres europhobes extrêmes d’hurler leur haine de l’Union Européenne, l’accusant d’être, tout comme l’Allemagne, derrière ce référendum, alors qu’ils n’y sont pour rien et ne se sont pas mêlés de la campagne référendaire.

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01/04/2013

Pourquoi il faut supprimer les allocations familiales

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A l’origine, les allocations familiales étaient destinées à dynamiser la natalité française, que les gouvernements trouvaient trop faible. Leur sens a été complètement détourné depuis près de trente ans, à partir du moment où elles ont cessé d’être allouées aux seuls citoyens, là où elle avait du sens, mais universalisées. Désormais, elles stimulent la natalité d’importation, alors que leur impact sur la natalité indigène n’est pas évident.

Réformer les allocations familiales, ce n’est certainement pas faire ce qu’envisage le gouvernement « socialiste » de Jean-Marc Ayrault, à savoir diminuer jusqu’à 75% les allocations alloués aux classes moyennes dites « aisées ». Or, s’il y a lieu de favoriser la natalité, c’est bien celle des classes moyennes, capables d’offrir à leurs enfants des conditions de vie idéales. Ce n’est certainement pas en les accordant aux populations les plus pauvres ou aux banlieues.

A partir du moment où l’usage de ces allocations est dévoyé, devient contre-productif et est de toute façon extrêmement coûteux, en l’absence de la seule politique qui serait nécessaire en ce domaine, à savoir l’exclusivité citoyenne européenne en matière d’accès aux allocations familiales, il convient de les supprimer purement et simplement. C’est la seule politique raisonnable en ce domaine. Malheureusement, le gouvernement attise la « haine des riches » et tourne le dos à tout bon sens en la matière. Beaucoup de français se font prendre bêtement à ce jeu, sans réfléchir aux enjeux qui s’y cachent.

Pourquoi le gouvernement ne supprime-t’il pas ces allocations familiales comme je le préconise, alors qu’il pourrait ainsi faire des économies très significatives ? Parce que les allocations familiales servent à acheter la paix civile dans les banlieues et certainement pas à rehausser la natalité française. Le gouvernement prétend qu’on aurait un taux de natalité de 2 enfants/femme, mais tient compte dans ce chiffre de la natalité importée. La natalité indigène est en réalité beaucoup plus proche de 1,6 enfants/femme, comparable à celle des autres pays européens, et c’est seulement celle-là qu’il faudrait encourager, ce qui n’est pas possible dans le cadre de l’Etat français, mais le serait dans celui d’un Etat européen.

Thomas FERRIER (PSUNE)

L'Europe face à la Turquie

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King Jan III Sobieski of Poland.jpgS’il est un exemple particulièrement significatif de l’impuissance de l’Europe actuelle, rien ne l’illustre mieux que sa relation avec la Turquie et son arrogant premier ministre. C’est aux frontières de l’Europe, pas seulement de l’Union Européenne d’ailleurs, qu’elle est en conflit, certes en conflit gelé, avec la Turquie.

En effet, cette dernière occupe illégalement depuis 1974 la zone nord-est de Chypre, au mépris des conventions internationales, cette occupation ne s’étant pas limitée à la présence de troupes mais s’accompagnant aussi de l’implantation de colons turcs. Sa frontière avec l’Arménie est gelée, alors même qu’Ankara soutient les revendications azéries, conformément à l’idéologie pantouranienne consistant à aider les autres turcophones, et en conséquence dénonce la sécession du Haut-Karabagh, peuplé depuis toujours d’Arméniens. Elle continue par ailleurs de nier la réalité des crimes commis par l’empire ottoman en 1915 à l’égard de cette communauté. Enfin, la Turquie revendique les îles grecques de sa côte et en particulier les zones maritimes associées, alors que tout semble indiquer que le sous-sol marin de la Méditerranée serait riche en pétrole et en gaz.

La Turquie, sous l’influence de son ministre des affaires étrangères Ahmed Davutoglu, met en place une géopolitique dite néo-ottomane qui consiste à s’intéresser aux problèmes des Balkans, apportant son aide aux mouvements islamiques au Kosovo ou en Bosnie, et bien sûr aux communautés turcophones de Macédoine ou de Bulgarie. A sa façon, elle remet en cause ce mouvement de recul de la « sublime porte » pendant tout le XIXème siècle et jusqu’au traité de Sèvres. Mettant en parenthèses la période kémaliste, en s’attaquant à ce symbole de l’état laïc qu’est l’armée, en remettant en cause l’interdiction du voile dans les universités et les services publics, avec en outre la mise en examen de nombreux chefs militaires mais aussi de journalistes, la Turquie d’Erdogan tourne le dos à la civilisation européenne tout en prônant dans le même temps l’adhésion à l’Union Européenne, une Union qui avec la Turquie en son sein cesserait définitivement d’être européenne et surtout deviendrait une pure coquille vide.

Alors qu’elle s’était un temps éloignée de la stratégie de l’OTAN, pilotée par les USA, refusant même l’accès à son ciel aérien pendant la seconde guerre en Irak, la problématique syrienne a changé la donne. La relation avec l’Iran voisin s’est même dégradée, puisque ce dernier soutient le régime de Bachar El Assad. C’est là où le jeu américain et le jeu turc se sont à nouveau rencontrés. Obama a contraint Netanyahu à faire reconnaître à l’état hébreu sa responsabilité dans le drame du Mavi-Marmara, ce qu’il se refusait à faire à juste titre depuis plusieurs années. Dans le jeu américain, il est important que la Turquie joue son rôle contre l’Europe, et la rupture entre Israël et la Turquie n’arrangeait pas les affaires de Washington.

Cet épisode est d’ailleurs une excellente illustration du mensonge des obsessionnels du complot « sioniste », qui prétendent que les USA seraient soumis aux intérêts de cet état. On voit bien qu’il n’en est rien, et que ce n’est pas Netanyahu qui tient le manche mais bien Obama. Cette « alliance éternelle » entre les USA et Israël, que prône Obama à nouveau, est un trompe l’œil. C’est bien pour cela que Lieberman était méfiant et prônait un repositionnement diplomatique pro-russe, mais empêtré dans ses affaires judiciaires, il a dû renoncer à toute fonction au sein du gouvernement israélien.

L’administration américaine a deux enjeux majeurs – encercler la Russie et l’isoler, ce que certaines dérives autoritaires en Russie facilitent d’ailleurs, et surtout empêcher la mise en place de toute Europe politique. Pour cela, elle a à sa botte le gouvernement britannique de Cameron, qui aliène les intérêts britanniques, qui sont les mêmes que ceux des autres européens, en faveur des USA, et bien sûr l’allié turc. Force est de constater que les partisans d’un Royaume-Uni souverain, par exemple UKiP, qui prônent la fin de l’Union Européenne, ne remettent pas en cause cette sujétion au grand voisin outre-atlantique. Ce n’est pas un hasard. Quant à Erdogan, il a beau ne pas cacher sa phobie du « sionisme », cela ne dérange pas Obama, bien au contraire. Si les USA doivent choisir entre la défense d’Israël, ou de l’Europe, et la paix avec l’islam, ils finiront pas choisir le second.

Face à la Turquie, une Grèce « souveraine » ou une Chypre « indépendante », seraient démunies. Les prétendus nationalistes hellénophones, Aube Dorée et ELAM en tête, en attisant la haine contre l’Union Européenne, certains ayant même brulé il y a quelques jours des drapeaux de l’UE, ne péseraient rien. Le seul bouclier en mesure de défendre les intérêts grecs, chypriotes ou arméniens, c’est l’Europe. Et ce qui l’empêche d’agir aujourd’hui et de se faire respecter du voisin turc, c’est l’absence d’institutions politiques à sa tête, en clair d’un Etat européen. On sait que la Commission et les deux Conseils représentent les oligarchies à la tête des Etats dits « nationaux », qui servent le libéralisme mondialisé et l’atlantisme, et le parlement européen, pourtant seul démocratiquement légitime, n’a pas de pouvoirs et surtout ses membres actuels n’ont pas le courage politique de les exiger. Mais c’est bien au niveau européen, et on le constate avec la crise de l’€, et la faillite bancaire de Chypre, à laquelle la Russie n’a pu apporter son aide tant la russophobie est forte au niveau de Bruxelles, que se trouve la solution et pas dans un suicidaire repli identitaire.

La russophobie amène d’ailleurs à la mise en place d’une alliance contre-nature Géorgie/Turquie contre l’ours russe. Dans ce cadre, la Géorgie joue le même jeu que François Ier et se trompe de camp. Elle devrait au contraire œuvrer à la réconciliation avec la Russie tout en se choisissant un avenir européen. L’Arménie, elle, ne commet pas la même erreur géopolitique. Il faut dire qu’elle est confrontée en direct au monde asiato-musulman à ses portes. Rempart du Caucase et de l’Anatolie du temps de l’empire byzantin, elle sait que sa place est aux côtés des autres Européens depuis toujours.

Heureusement, pour le moment, les dirigeants de ces deux Etats, Grèce et Chypre, ne s’alignent pas sur les positions les plus europhobes de certains partis, de « gauche » radicale (Syriza) comme de droite radicale (Hrisi Avgi), et ne remettent en cause ni l’UE ni l’€. Mais ils n’ont pas non plus la force de s’opposer aux dérives mondialistes et libérales de leurs partenaires.

Face à la Turquie, une Europe politique digne de ce nom ferait entendre un autre son de cloche. Vis-à-vis de la Grèce et de Chypre, elle ne se contenterait pas d’exiger toujours plus d’efforts d’une population ruinée par le mondialisme économique et financier. Elle apporterait un soutien clair et net aux revendications légitimes de ces peuples face à son voisin. L’Etat européen, qui aurait naturellement mis fin à tout processus d’adhésion de la Turquie à son espace politique, exigerait l’évacuation de Chypre par la Turquie et mettrait fin à ce rôle de plaque migratoire que joue Ankara, la Turquie se refusant pour le moment à limiter les flux migratoires vers notre continent. Pour commencer.

Dans ses relations avec la Turquie, l’Europe actuelle n’est pas capable de se faire respecter, et n’est donc pas capable d’offrir aux Grecs ce que la « Grande Idée » (Μεγάλη Ιδέα) des patriotes grecs, avait échoué à leur apporter, à savoir un véritable bouclier. Un bouclier économique contre les appétits d’une finance internationale avide. Un bouclier militaire contre un voisin redevenu bien inquiétant. Elle exige d’elle-même un repentir permanent, lequel favorise là encore des intérêts étrangers à l’Europe, et la désarme moralement, mais abandonne les Arméniens lorsqu’il s’agit de réclamer en leur nom que la Turquie reconnaisse ses fautes.

D’ailleurs, la fameuse loi contre la négation du génocide arménien promise par Hollande continue d’être lettre morte. Il faut dire que comme tous les prétendus sociaux-démocrates et « européens », le président PS a décidé de se réconcilier avec la Turquie après les années Sarkozy et de relancer le processus d’adhésion, auparavant au point mort. Comble du scandale, la Turquie va beaucoup plus loin que la Russie dans l’autoritarisme, et ce qui plus est au service d’une idéologie islamiste, tournant le dos aux valeurs européennes les plus ancestrales. Mais, alliés ou plutôt vassaux des USA, les gouvernements d’Europe occidentale lui pardonnent tout. Et face à cela, la petite Grèce, Chypre ou l’Arménie ne comptent guère.

Bien au contraire, en dotant l’Europe d’un Etat politique unitaire et souverain, qui parle d’une seule voix, nous pourrions exploiter ses richesses qui tapissent le fond de la Méditerranée, et ainsi aider au relèvement du peuple grec et du peuple chypriote, un relèvement reposant sur du concret et non sur la finance vagabonde. Nous pourrions faire reculer la politique néo-ottomane d’Erdogan. Et enfin, les USA seraient contraints de tenir compte d’une puissance économique qui leur serait supérieure, en attendant que l’armée européenne voie le jour et que l’Europe redevienne une puissance militaire qui en impose.

Ευρωπαϊκό κράτος ή θανάτος !

Thomas FERRIER (PSUNE)

27/03/2013

Faire entendre la voix de l’Europe !

Bretagne_euro.jpgAyant répondu à l’invitation qui m’avait été faite de débattre avec un défenseur de l’identité bretonne et avec un souverainiste laïciste, ce qui m’a été reproché par certains mouvements de « gauche radicale », j’ai eu l’occasion le week-end dernier d’exposer brièvement ce qu’était l’européisme authentique, en insistant sur la nécessité historique pour les Européens, et en particulier pour ceux qui sont attachés à cette européanité que nous défendons, de s’approprier l’Union Européenne, au lieu d’en dénoncer les travers, de la reprendre à ces technocrates et ces idéologues mondialistes qui président pour le moment à ses destinées, à nos destinées.

Faire entendre la voix de l’Europe, y compris auprès de ceux qui sont rétifs à cette nécessité historique qu’est l’unification politique de la civilisation européenne, du continent européen, telle était la mission qui m’était confiée. A la surprise des nombreux participants de ces assises sur la crise sociale européenne, ils ont pu entendre un discours nouveau, cohérent et déterminé en faveur de l’Europe unie, de l’Europe envisagée comme une république, comme une véritable nation, seule forme possible de salut pour notre terre au XXIème siècle.

Certains se sont émus d’entendre prôner la disparition pure et simple de l’Etat français, et en particulier de sa nationalité, en raison du dévoiement de cette dernière depuis des décennies, et son remplacement par un Etat européen avec sa nationalité, cette dernière reposant sur le principe de Périclès, le ius sanguinis, nationalité indépendante de celles des Etats actuels et reposant sur des critères de convergence objectifs. Le temps ne m’a pas permis d’exposer plus précisément le cheminement intellectuel et les raisons stratégiques objectives qui ont amené notre modeste formation à cette conclusion proprement révolutionnaire. Cela a même amené une figure du nationalisme hexagonal à prendre position contre notre démarche, affirmant qu’en trente secondes il pourrait dénoncer la contre-vérité dont nous aurions été prétendument les vecteurs, alors qu’il faut en vérité au moins un quart d’heure pour expliquer précisément pourquoi nous avons raison et pourquoi il a tort.

Il était aisé de constater que les « nationaux » dans leur version française sont incapables de distinguer l’Etat et la nation. Pour eux, la disparition de l’Etat « national » signifie la disparition de la nation. Or la Bretagne est une nation, même si elle est sans état, comme l’étaient l’Italie avant 1860 et l’Allemagne avant 1870. Et l’Europe aussi est une nation sans état et qui attend son Cavour ou son Bismarck pour s’en doter. Dans l’Europe unie, Bretagne et France seront des nations au sein de la grande nation, mais des nations d’identité et non de souveraineté. Seul l’Etat européen, démocratique et subsidiaire, sera souverain.

Le discours souverainiste qui nous a été opposé repose sur des sentiments et non sur la raison, sur une nostalgie d’une époque dont on prête des vertus immenses parce qu’on les oppose à la situation actuelle, à savoir ces années 60 mythifiées, période de plein emploi, mais germes de cet avenir désastreux que nous constatons tous les jours. La France du franc fort contre l’Europe de l’euro fort. La France du plein emploi certes, mais sans ouverture des frontières en dehors du cadre d’une CEE (qui date de 1957) que seuls les extrêmes contestaient alors. Mais aussi la France des conflits coloniaux (1946-1962), une France qui certes se dote de l’arme nucléaire mais qui est contrainte à céder, tout comme le Royaume-Uni, à Suez.

A cette idée que « la France, c’était mieux avant », nous opposerons celle d’une Europe qui sera « mieux après ». Dans le cadre d’une Europe unie, l’identité française sera bien mieux protégée qu’elle ne l’aura été dans le cadre « national », car force est de constater que c’est l’Etat français, et ses gouvernements depuis trois décennies, qui ont mis en danger cette même identité, et non l’Union Européenne. Il ne faut pas se tromper d’ennemi. Vouloir unifier l’Europe, ce n’est pas faire le jeu du mondialisme, c’est mal l’unifier qui le serait.

L’Union Européenne n’est pas ce qu’elle aurait dû être, mais elle le deviendra. Car face aux mêmes périls, les Européens doivent opposer une action commune, concertée et pilotée par une seule structure. Le « parti européiste » a comme mission historique de forger l’Etat européen, en s’appuyant sur ses régions, et la Bretagne est particulièrement en pointe dans ce combat, et sur l’Union Européenne, dans la mesure où celle-ci n’est considérée que comme le réceptacle naturel de l’expression populaire de l’européisme politique. L’enjeu est au parlement européen et c’est là que l’avenir de notre continent se jouera.

La voix de l’Europe s’exprimera partout où cela sera nécessaire. Elle n’acceptera d’oukazes d’aucune mouvance, qu’elle soit des extrêmes (gauche ou droite) ou des formations « mainstream ». Je répondrai aux invitations sincères d’où qu’elles proviennent mais sans renoncer à ce que je suis et au devoir qui est le mien de défendre l’Europe et les Européens le mieux possible. Je pense avoir modestement, dans le cadre de ce débat, fait réfléchir le public et fait reculer cet euroscepticisme mortifère dans une terre amie, une terre de Bretagne qui a toujours été européenne de cœur et de raison, qui n’a jamais considéré qu’un mariage entre princes pouvait justifier une annexion, qui n’a pas oublié le roi Nominoë ni Arthur Pendragon, et qui pense avec tristesse à ces si nombreuses victimes bretonnes d’une guerre absurde mais à mort entre une France nationaliste et une Allemagne nationaliste.

La Bretagne a payé le prix du sang parce que l’Europe était divisée, parce que les appétits « nationaux » de son grand voisin étouffaient sa soif de liberté. Dans une Europe unie, la Bretagne ne sera pas plus souveraine que dans une France unie, mais en revanche son identité sera respectée, son histoire sera aimée, sa langue sera enseignée. Aux côtés d’un Pays de Galles, d’une Ecosse, d’une Irlande, d’une île de Man et même d’une Cornouaille reconnus, la Bretagne représentera au sein de la grande Europe les peuples celtes et l’héritage des druides.

L’organisateur, que je tiens par ailleurs à remercier, a osé dire en introduction de cette journée, « vive la Bretagne et vive l’Europe ». Cette provocation ultime, mais si vraie, a heurté certains défenseurs d’une France repliée sur son hexagone. Mais ce ne sont pas les régions qui affirment leur identité, ce n’est pas une Europe qui fait de même, qui seraient les vecteurs du mondialisme. C’est l’Etat « national », qui n’a plus de « national » que le nom qui est le geôlier des peuples, et la courroie de transmission de l’internationalisme désincarné.

Thomas FERRIER, secrétaire général du PSUNE

20/03/2013

Réponse à des détracteurs de « gauche » radicale

 
usine.JPGOnt été portées à ma connaissance, dans le cadre du débat auquel je participerai ce samedi en Bretagne, des critiques issues de la mouvance de « gauche » radicale. Cherchant à démontrer une prétendue collusion de l’invité, en l’occurrence moi, avec les organisateurs du dit débat, ils reprochent au PSUNE deux points assez marginaux du programme concernant la fonction publique et le développement des entreprises.

Prônant la « simplification des procédures de licenciement des agents publics », mais sur des critères objectifs, ce qu’ils oublient de signaler, le PSUNE est critiqué. Même si des dérives sont possibles, l’idée générale est de pouvoir se séparer de personnels manifestant de manière indiscutable d’importantes insuffisances professionnelles. Les fonctionnaires sont au service du public, payés par les impôts des citoyens. S’il est légitime qu’ils conservent un statut protégé, ce n’est pas à n’importe quel prix. Beaucoup de français et d’européens ont malheureusement une image plutôt défavorable du service public. Pour redorer le blason de ce dernier, il faut oser le réformer dans le bon sens, en améliorant la qualité du service tout en conservant un management humain.

La seconde critique porte sur l’attention apportée par le parti à encourager l’initiative privée de nature entrepreneuriale. C’est du bon sens, et tous les grands partis politiques l’expriment aussi, y compris le PS. La question est de savoir s’ils sont crédibles en ce sens. Une nation de fonctionnaires, ça a existé et ça ne marche pas. Nous avons besoin de créateurs et non d’assistés, nous avons besoin de créer de l’emploi et non de sauver des entreprises en faillite. Il faut protéger les travailleurs français et européens, œuvrer pour l’amélioration de leur cadre de travail, mais il faut aussi moderniser l’outil de production, être compétitif. Une entreprise qui ne fait pas de profit crée des chômeurs. Le PSUNE précise toutefois qu’il s’agit aussi de s’opposer au « capital spéculatif ». J’ignorais que l’extrême-« gauche » préférait l’enrichissement par la bourse à celui par le travail.

Même si le libéral Nicolas Sarkozy a défendu le « travailler plus pour gagner plus » en 2007, alors que beaucoup de citoyens aimeraient travailler tout court, et n’ont pas cette possibilité, c’est quand même un principe socialiste, celui de Stakhanov. Il est étonnant que des nostalgiques de l’URSS, chose tout de même assez étrange quand on voit l’ampleur du désastre, ne l’aient pas compris.

Le socialisme n’est pas le marxisme. Le socialisme ne défend pas des syndicats non représentatifs sous le prétexte qu’ils seraient installés depuis longtemps et qu’ils auraient de forts relais politiques. Le socialisme ne défend pas une économie d’assistés mais une économie de travailleurs. Le socialisme n’est pas libertaire non plus, le libertarisme n’étant qu’un libéralisme économique appliqué aux mœurs.

La « gauche » radicale ferait bien de s’interroger sur le fait que les ouvriers français et européens préfèrent voter à droite que pour eux. C’est parce qu’elle n’est pas vraiment socialiste. Alors, il est vrai que du point de vue de la légende de la « gauche », défendre l’initiative privée ou ne pas défendre des gens incompétents profitant d’un statut privilégié qu’ils ne méritent pas, cela ne fait pas « socialiste » ni « de gauche ». Et pourtant, c’est cela en vérité le socialisme, à savoir l’amélioration de la qualité de vie des travailleurs, la hausse des salaires, la création d’emplois rémunérés correctement. Les défendre ce n’est pas les maintenir dans un emploi sans avenir, mais de leur donner les moyens de retrouver rapidement un emploi. Le flex-securité, c’est un principe socialiste.

Alors, messieurs de la « gauche » radicale, encore un effort pour devenir socialistes !

03/03/2013

Notre Union Européenne ! (partie II)

notre europe,institutions européennes,union européenne,nationalité européenne,etat européen,nation européenne,psune,thomas ferrierAprès avoir analysé toutes les manifestations du dévoiement de l’idée Européenne que l’on constate dans l’actuelle UE, détournée de son véritable destin par des politiciens nationaux sans foi ni loi, et surtout sans vision de l’avenir, il est temps d’évoquer la nécessaire « reconstruction européenne », afin de remédier en profondeur aux égarements de l’ancienne UE, à savoir les moyens à mettre en œuvre pour passer de l’une à l’autre, et ensuite le résultat espéré et attendu.

La « révolution européenne ».

De toutes les institutions de l’actuelle UE, la seule à disposer d’une relative légitimité démocratique reste le parlement européen. Si les élections européennes se caractérisent par un taux record d’abstention dans les différents états membres, c’est parce qu’il n’y a pas d’enjeu. Le député élu ne rend aucun compte à ses administrés de la politique qu’il mène à Strasbourg et tout se déroule dans l’opacité. Et de toute façon, pour défendre un bilan devant des électeurs, il faudrait déjà avoir du pouvoir. Il pourrait certes signaler son vote sur les différentes directives qui lui ont été proposées, mais étant donné que celles-ci concernent des domaines qui n’intéressent pas du tout les citoyens, il s’en garderait bien.

Néanmoins, les élections européennes se déroulent avec un mode de scrutin à la proportionnelle, même si la barre pour avoir des élus diffère selon les pays (de 1% à 5% en moyenne), sans oublier le vote à l’échelle nationale ou bien à l’échelle de circonscriptions régionales (France, Royaume-Uni). A la différence des élections nationales françaises, qui reposent sur un scrutin majoritaire à deux tours, ou des élections britanniques (majorité relative à un tour), modes d’élection qui défavorisent les petits candidats et les nouvelles listes, et créent un fort effet de vote utile, les élections européennes peuvent permettre à des formations nouvelles de se faire connaître. Le FN en 1984, la liste Pasqua-Villiers en 1994, les Verts, la liste Tapie, constituent dans le cas français des exemples de l’émergence de partis inconnus ou marginaux aux élections européennes.

Si le cadre national est verrouillé, par exemple les Pirates ont fait 0,09% des voix en France, mais en Allemagne pourraient en revanche avoir des députés, ce n’est pas le cas du cadre européen. Une liste européiste pourrait être en mesure de s’y faire entendre ou du moins d’émerger, alors qu’elle serait très handicapée dans le cadre d’une élection nationale. C’est donc une révolution par les urnes, au niveau de l’Union Européenne, et par le biais du parlement européen, qui permettrait de débloquer la situation.

Cette « révolution européenne » passe par une évolution des mentalités, mais surtout par un travail d’explication consistant à montrer en quoi la mise en place d’un Etat européen permettra de résoudre concrètement les problèmes mortifères que dénoncent les citoyens et pour lesquels aucune réponse crédible n’est apportée, à part les non-solutions démagogiques des populistes de gauche et de droite qui capitalisent sur l’impuissance de l’Union Européenne.

Cohn-Bendit, en associant sa vision de l’Union « européenne » avec ses lubies libertaires (mariage gay, apologie du métissage), est le meilleur allié que pourraient avoir les souverainistes, puisqu’il donne de l’Europe une vision décadente. Or, si on veut montrer aux citoyens européens que l’Europe comme état-nation réussira là où la France, l’Italie et le Royaume-Uni sont impuissants, c’est en proposant à l’échelle de l’UE une politique radicalement différente de la politique des actuels Etats membres, à savoir une politique de défense des valeurs européennes, et non des valeurs mondialistes en Europe, de revalorisation du mariage traditionnel, de lutte contre le chômage dont sont victimes les travailleurs européens, d’harmonisation sociale (et fiscale), et de mise en place d’une politique remigrationniste. Si la rigueur budgétaire au niveau des Etats est calamiteuse, l’Etat européen sera un modèle de gestion équilibrée, luttant contre les abus réels, contre l’assistanat de masse, contre tout encouragement à un appel d’air migratoire, et ce en appliquant le principe d’exclusivité européenne en matière d’accès aux différentes allocations disponibles (chômage, familiales… etc).

Plus concrètement, la révolution européenne commencera par une révolution par les urnes, avec l’émergence d’un courant européiste (authentique) qui représentera un pôle de rassemblement (aux alentours de 30% des députés) au sein du parlement européen. Avec des alliés issus des autres formations politiques, qui viendront à la victoire, le parlement sera auto-proclamé assemblée européenne constituante. De par cette seule proclamation, naîtra l’Etat européen, avec son gouvernement provisoire, ce dernier ayant en charge l’organisation d’une très large consultation populaire en vue de l’élaboration d’une constitution européenne digne de ce nom, bâtie sur des principes exclusivement européens et ne s’adressant qu’aux européens.

L’Europe de demain, la nation des Européens.

L’Europe, envisagée ainsi comme un Etat et même comme un Etat-nation, sera vierge juridiquement. Elle ne sera contrainte par aucun traité, par aucune convention internationale. Par sa seule naissance, les Etats nationaux cesseront automatiquement d’exister, ainsi que leurs constitutions, exactement comme les provinces en 1789. C’est ce que l’on peut appeler une table rase juridique. Ainsi, les citoyens européens seront-ils libérés du carcan d’Etats dévoyés qui oppriment de fait leur propre population. Ils pourront enfin voir mise en œuvre la politique qu’ils souhaitent, sans être contraints par un droit devenu fou et même totalitaire, leur disant quoi dire et quoi penser. Aucun conseil constitutionnel de prétendus sages pour barrer la route à la volonté populaire. Aucune loi fondamentale pour brider le choix des citoyens.

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Leur « Union Européenne » (partie I)

union européenne,barroso,schulz,europhobie,faux nez,bouc émissaire,mondialisme,psune,thomas ferrierAprès avoir consacré plusieurs articles à dénoncer la nocivité absolue et les divers mensonges des europhobes, eurosceptiques, populistes  et autres souverainistes, il paraît indispensable de distinguer l’UE telle qu’elle est pensée et voulue par les mondialistes, c’est leur « Union Européenne », mais c’est surtout la seule à exister actuellement, et notre Union Européenne, celle des pères fondateurs mais surtout celle des européistes authentiques d’aujourd’hui. Il y a l’UE telle qu’elle est, impuissante et corrompue, et l’UE telle qu’elle aurait dû être, telle qu’elle devrait être et telle qu’elle devra être. Ce dernier point fera l’objet d’une seconde partie.

Une Europe contrôlée par les Etats.

Certains dénoncent dans l’UE une Europe fédérale en gestation. Elle est en réalité une Europe des Etats, Etats qui acceptent de mutualiser certaines politiques, surtout impopulaires, d’essence libérale, ne remettant pas en cause les principes fondamentaux de leur souveraineté. Depuis l’échec de la CED en 1954, seule tentative sérieuse de bâtir un embryon d’Europe politique, les éléments clé que sont la police, la justice et l’armée mais aussi la diplomatie et la gestion du budget, relèvent du pouvoir exclusif des Etats. Si les directives communautaires sont supérieures aux lois nationales, ce n’est que conformément à des traités signés entre Etats souverains et dans le cadre très restreint des attributions de l’actuelle UE.

L’Union Européenne elle-même est composée de quatre institutions principales, dont deux seulement sont (bien) connus des citoyens européens. Il y a en premier lieu deux conseils des représentants des chefs d’état et de gouvernement, et des ministres de chaque domaine spécifique, à savoir le Conseil Européen et le Conseil de l’Union Européenne. Il y a ensuite la Commission, qui siège à Bruxelles, et est composée de 27 représentants des gouvernements nationaux. Elle est dirigée par un président non élu qui est choisi par consensus par les chefs d’état et de gouvernement des Etats membres. Gustavo Barroso, formé aux Etats-Unis, ancien gauchiste reconverti en apôtre du libéralisme outrancier, est l’actuel président et a entamé il y a trois ans son second mandat. Très impopulaire, mais particulièrement silencieux depuis la crise, il n’a jamais eu à se confronter à ses « administrés ».

Un parlement européen croupion.

La dernière institution est le parlement européen. Il n’est pas élu à l’échelle de l’UE mais est composé de députés élus dans chaque pays d’Europe, et dont le nombre par pays a été décidé lors du traité de Nice. Chaque pays choisit dans sa « circonscription » le mode de scrutin de ces élus, même si les instances communautaires préconisent un scrutin à la proportionnelle. S’il existe de manière publicitaire des partis « européens », il s’agit en fait d’alliances entre partis nationaux de même sensibilité. Le PPE et le PSE (devenu ASDE), qui constituent les deux groupes parlementaires principaux au parlement de Strasbourg, ne sont pas de vrais partis mais regroupent les partis conservateurs d’une part et les partis sociaux-démocrates de l’autre. Si la « gauche » et la droite s’opposent lors des scrutins nationaux (par exemple, UMP contre PS en France, PDL contre PD en Italie, CDU contre SPD en Allemagne), ce n’est pas le cas au sein du parlement. Au contraire, ils se partagent les meilleures places, et notamment celle de président du parlement européen.

En effet, alors que le mandat de président est prévu pour durer cinq ans, PPE et ASDE se le partagent 2 ans ½ chacun. C’était de 2009 à 2012 le conservateur polonais Jerzy Busek et c’est désormais le social-démocrate allemand Martin Schulz. Il n’existe pas en effet de majorité parlementaire, comme dans les parlements nationaux, proposant une politique spécifique. La raison en est que le parlement européen n’a pas le pouvoir de proposer des lois et s’apparente donc à une chambre d’enregistrement. Par ailleurs, les parlementaires sont tenus par leur parti politique « national », qui impose une discipline de parti, et non par leur groupe. Quand David Cameron l’a exigé, tous les élus du PPE issus du parti des Tories ont claqué la porte du groupe pour en fonder un nouveau.

Le parlement européen en outre a l’étrangeté d’accueillir en son sein les élus les plus europhobes, souvent incapables de se faire élire dans leur propre pays, à l’instar des députés FN et BNP. En ce sens, il bénéficie de modes de scrutin plus démocratiques et donc d’une représentation plus objective des différents courants d’opinion nationaux, mais étant donné qu’il n’a aucun pouvoir, cela n’a aucun impact sur l’opinion publique. Les élus sans groupe apparenté sont inaudibles. Par ailleurs, les partis politiques nationaux ne composent leur liste et n’envoient comme députés que des seconds couteaux ou des candidats incapables d’être élus par le scrutin majoritaire. En France, si un notable de l’UMP ou du PS n’arrive pas à se faire élire à l’Assemblée et au Sénat, ou à se faire nommer au Conseil Economique et Social, il sera mis en position éligible aux élections européennes. C’est ainsi que Rachida Dati s’est retrouvée députée européenne alors qu’elle n’avait aucun intérêt pour les questions communautaires et n’aspirait qu’à retourner à Paris.

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26/02/2013

Elections italiennes 2013 : succès de Grillo, semi-échec de Bersani et chute de Monti

élections italiennes 2013,Beppe Grillo,Silvio Berlusconi,BersaniA plus de 99% du dépouillement des suffrages aux élections législatives, les jeux sont faits entre Bersani et Berlusconi, même si les deux coalitions ne sont séparées que de 0,5% des voix. La « gauche » du Parti Démocrate et de ses alliés sera majoritaire à la chambre des députés, en raison d’un mode de scrutin qui favorise considérablement le parti arrivé en tête. Annoncé dans les derniers sondages à près de quatre points du vainqueur, Berlusconi réussit néanmoins un formidable tour de force en recueillant 29,1% des voix (21,5% pour son seul PDL), ce qu’aucun sondage ne pronostiquait. S’il échoue de très peu, il sort renforcé en cas d’élections anticipées dans les prochains mois.

Le véritable vainqueur de ces élections 2013 est le populiste revendiqué Beppe Grillo. Avec 25,5% des voix et sans coalition, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) est devenu le premier parti d’Italie. Il triomphe dans tous les secteurs de l’opinion et dans toutes les régions. A plus de 33% en moyenne en Sicile, à plus de 29% en Sardaigne, mais aussi à près de 28% dans le Piémont, exact opposé géographique, et économique, des îles méridionales, Grillo domine. Il est à 28,2% dans le Latium I (Rome), à 32% dans les Marches, à 29,7% dans les Abruzzes, à 27,5% en Vénétie II et à 27,2% en Ombrie. S’il est plus faible dans le Val d’Aoste ou dans le Trentin Haut Adige, c’est en raison d’un fort sentiment régionaliste. En Lombardie, il est aux alentours de 20% mais est freiné par la résistance de la Ligue du Nord, qui s’effondre partout ailleurs.

Grillo mélange un argument d’extrême-gauche et d’extrême-droite, axé sur des thèmes europhobes mais aussi anti-immigration, également sur des thèmes libertaires, sur la lutte contre la corruption et contre la rigueur budgétaire prônée par Monti. Sorte de néo-qualunquisme, le phénomène Grillo rappelle par certains aspects le fascisme naissant de Milan, mélange complexe d’idéologies contradictoires, avec un autoritarisme assez évident de la part de ce tribun médiatique. Equivalent protestataire de gauche de ce qu’est le FN en France, il a su ratisser très large mais c’est un feu de paille, une façon pour de nombreux italiens de châtier Monti.

Monti est indiscutablement le grand perdant de ces élections. Avec 10,6% des voix, dont seulement 8,3% pour sa liste nominale, il échoue à peser dans le résultat final. Son allié de circonstance, le post-fasciste Gianfranco Fini, est brisé avec 0,5% des voix seulement pour Futuro e Liberta. Autres victimes de cette élection atypique, les néo-communistes, alliés à l’Italie des Valeurs de l’ancien juge Di Pietro [coalition « Révolution Civile »], qui obtiennent 2,2% et aucun siège.

L’extrême-droite est laminée, notamment en raison de ses divisions et de la concurrence efficace de Grillo. Les nationalistes modérés de Fratelli d’Italia obtiennent 2% des voix, ce qui est beaucoup pour un parti récemment créé, mais La Destra s’effondre à 0,6% des voix, Forza Nuova n’obtenant que 0,3%, Flamme Tricolore 0,1% et Casapound 0,1% (avec des pointes à 0,5% dans le Latium et à 0,6% dans le Val d’Aoste). La Ligue du Nord avec 4,1% des voix à l’assemblée (et 4,3% au sénat) est également une grande perdante. Elle avait obtenu 8,3% en 2008, mais seulement 4,6% en 2006, retrouvant donc son score antérieur à sa poussée des années 2007-2008, bien loin toutefois des 10,1% obtenus en 1996. La Ligue paye le prix des accusations de corruption contre son fondateur et ancien président Umberto Bossi. Enfin les Freiheitliche, version sud-tyrolienne du FPÖ, obtiennent 0,1% des voix au niveau national mais 8,1% des voix dans leur région.

Réunis, les différentes formations de la droite nationale au sens large obtiennent malgré tout 3,2%, ce qui reste un niveau extrêmement bas par comparaison avec les scores du MSI dans les années 80. Le reniement des idées néo-fascistes par Gianfranco Fini, dont il n’a pas été payé en retour vu le score minable de sa formation actuelle, a été fatal à cette mouvance qui désormais, divisée en chapelles s’ostracisant les unes les autres, est durablement marginalisée. C’est Beppe Grillo qui a tiré les marrons du feu, avec son néo-populisme du XXIème siècle, et non les nostalgiques du fascisme.

Au Sénat, même si la « gauche » l’emporte en voix, ni le PD ni le PDL ne sont en mesure d’y fonder une majorité. Seule une alliance Berlusconi-Grillo pourrait être majoritaire, mais elle est peu vraisemblable, de même qu’une alliance Bersani-Grillo. Cette instabilité pourrait amener à de nouvelles élections car les deux chambres ont un pouvoir absolument égal. L’Italie risque donc d’être ingouvernable. Avec 113 sièges pour la « gauche » et 114 sièges pour la droite, les 16 sièges des partisans de Monti et les 58 sièges de Grillo sont déterminants. Avec 31,6% contre 30,7% pour Berlusconi, les électeurs ont choisi plus nettement la « gauche » qu’à la chambre où la coalition autour du PD obtient 29,6% des voix contre 29,1% pour celle autour du PDL.

Moralité : l’Italie est ingouvernable et les électeurs ont renvoyé dans leurs cordes le candidat de la rigueur, soutenu par le système en place et par les autres dirigeants de l’Union Européenne, Merkel en tête. Avec un Grillo à plus de 25%, et une Aube Dorée annoncée en Grèce à 14% dans les sondages, le vieux continent en crise connaît une vague d’euroscepticisme et de populisme démagogique inquiétante. Il serait peut-être temps que les dirigeants des Etats ouvrent les yeux sur la réalité de la décadence de la civilisation européenne et veuillent la traiter.

Mais ce ne sont pas les hommes (et les femmes) de la situation, bien au contraire, et comme le dit si bien Grillo, « a casa ! » (« à la maison ! »), lui inclus.

Thomas FERRIER (PSUNE)

23/02/2013

La Turquie aux portes de l’Europe

turquie,europe,non,erdogan,psune,thomas ferrierLorsqu’en 1963 De Gaulle et Adenauer laissèrent entendre au gouvernement turc que la Turquie avait vocation à rejoindre la Communauté Economique Européenne alors naissante, il ne s’agissait pas pour eux de faire rentrer un pays à l’européanité fort peu évidente dans une construction politique mais dans le cadre d’une structure favorisant le libre échange. Néanmoins, dans leur esprit, la Turquie sous l’impulsion d’Atatürk puis d’Inönü, s’était mise à l’école de l’Europe. C’était la Türkiye des beyaz Türkler, ou « turcs blancs », cette élite politique et économique qui dominait le pays depuis les années 20, une élite laïque et moderne, bien représentée au sein de l’armée.

Depuis 2000, la Turquie est dirigée par un parti issu de l’islamisme radical, l’AKP du président Abdullah Gül et du premier ministre Recep Erdogan. Ce dernier a réussi là où Erbakan, son ancien mentor, avait échoué, se heurtant à l’armée. En engageant des poursuites judiciaires contre des centaines d’officiers de l’armée, au motif de leur implication supposée dans le désormais fameux complot Ergenekon, il a étêté son principal adversaire. La dernière ligne de résistance aura été celle des juges constitutionnels en juillet 2008, qui finalement cèderont d’une seule voix.

En avril 2005, dans des conditions maintes fois répétées, l’Autriche et Chypre furent la seule ligne de défense contre le démarrage du processus d’adhésion d’un pays touranien et islamique à l’Union Européenne. L’Autriche troqua son honneur contre une promesse de ses partenaires en faveur de la Croatie voisine, et la Chypre grecque acceptant alors de jouer le jeu de pourparlers en vue d’une éventuelle réunification de l’île.

En 2012, cela fait désormais plus d’une décennie que les islamistes auto-proclamés modérés de l’AKP sont aux affaires. Ils ont profité d’une embellie économique pour laquelle ils ne sont pour rien, et ont surtout considérablement renforcé leur pouvoir au détriment de la société civile. Journalistes, intellectuels et militaires sont désormais sous contrôle. Une organisation islamique comme Fetullah Gülen se charge d’encourager les municipalités à interdire la vente d’alcool et favorise la multiplication des voiles féminins dans la rue. Le plus étonnant c’est que l’un des pôles électoraux de l’AKP est Istanbul, en Thrace. C’est la conséquence d’un flux migratoire intérieur amenant les populations de l’Anatolie, plus conservatrices, dans les grands centres urbains.

La désislamisation mise en place par Mustafa Kemal doit être considéré comme un échec. Même les nationalistes, plutôt laïcs à l’origine, du MHP se sont engagés dans une démarche national-islamique. Lorsque Kemal a voulu moderniser son pays, il a pris modèle sur l’Europe voisine, à l’époque phare civilisationnel et non continent en crise. Mais l’Europe n’est plus l’Europe, et la Turquie se tourne naturellement vers l’orient. Le paradoxe apparent, c’est qu’au nom du processus d’adhésion à l’Union Européenne, le gouvernement turc a réussi à réorientaliser le pays. La stratégie néo-ottomane de Davutoglu a piégé des dirigeants européens incapables de se faire respecter et indignes de leurs fonctions.

Après plusieurs années où Nicolas Sarkozy a bloqué concrètement le processus d’adhésion, renforcé en ce sens par la politique de la Turquie à l’égard de Chypre, le nouveau président français revient en arrière. Par le biais du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, il annonce la reprise des négociations et l’ouverture d’un quatorzième chapitre, l’un de ceux qui en outre impliquent l’adhésion.

Selon Laurent Fabius en effet, « la France va renforcer son soutien aux négociations d’adhésion de la Turquie » et ajoute que « nous souhaitons avoir des relations très positives avec la Turquie ». Malgré l’affaire de cette jeune franco-kurde Sevil Sevimli condamnée pour avoir participé en Turquie à des manifestations d’extrême-gauche, mais qui a été autorisée à revenir en France après avoir fait appel de sa condamnation, Hollande est devenu le nouvel ami d’Erdogan. Cette amitié nouvelle nécessite surtout des efforts français, car le gouvernement turc dicte ses ordres aux chancelleries occidentales. Il n’est plus question d’une loi pour condamner le négationnisme du génocide arménien, même si certains travaillent encore en ce sens.

Pourtant, le 11 février dernier, Erdogan s’en était pris durement à l’Union Européenne, dénonçant une organisation refusant depuis près de cinquante ans l’adhésion turque. Mais à chaque fois qu’il vitupère, à Paris on obtempère.

Or, la stratégie de Sarkozy, qui était celle de l’écœurement, commençait à porter ses fruits. Dans un sondage de janvier 2013, 59,5% des Turcs estiment qu’il faut abandonner toute perspective européenne (contre 33,3% qui estiment le contraire). Mais sans relâche les Etats-Unis, Obama en tête, poussent à cette adhésion, qui fragiliserait fondamentalement l’équilibre européen et interdirait toute volonté politique à l’Union Européenne. Erdogan le sait et joue cette carte, par le biais de l’OTAN, en acceptant des éléments du bouclier anti-missiles américain sur son sol, casus belli pour l’Iran voisin mais aussi pour la Russie.

Une véritable Europe politique passe par des frontières cohérentes et par l’adhésion uniquement de pays indiscutablement européens, comme l’Ukraine et la Russie, mais aussi comme la Géorgie et l’Arménie. Dans ce dernier cas, il faut soutenir ce pays dans sa lutte pour la mémoire mais aussi dans ce conflit qu’il a avec l’Azerbaïdjan turcophone voisin, soutenu par Ankara.

Le PSUNE rappelle sa position à l’égard de la Turquie, qui est « Turquie, non ! Russie, oui ! ». Si la Turquie n’était composée que de cette frange moderne et laïque qui a présidé à l’avenir de son pays pendant sept décennies, le débat serait certainement autre. Mais la situation est telle qu’elle est, et nous avons le devoir, en tant qu’européens, d’en prendre acte. Même si l’AKP perdait demain le pouvoir, la Turquie n’a pas sa place dans l’Union Européenne, tout simplement parce qu’elle n’est pas un pays européen. De plus, l’occupation illégale d’une partie de Chypre depuis 1974 est simplement inacceptable et devrait être une raison suffisante pour refuser cette adhésion. En outre, ce serait sans doute le plus grand service qu’on pourrait rendre au peuple turc que de lui opposer un non explicite et sans ambiguïté.

Thomas FERRIER (PSUNE)